MAODUN

MAODUN
MAODUN

Maodun est l’un des premiers grands écrivains de la littérature chinoise de langue moderne née sur la lancée du «Mouvement du 4 mai» (1919). Romancier renommé, fondateur de l’école «réaliste» prônée par la Société de recherches littéraires (1921) dont il est rédacteur en chef de la revue, Le Mensuel du roman , qui tint une grande place dans la construction de la nouvelle littérature, critique littéraire extrêmement attentif à la production de ses contemporains, théoricien assidu de la littérature, traducteur entre autres de Maupassant et de Tchekhov, il a joué un rôle politique et culturel de premier plan des années vingt jusqu’à sa mort. Il laisse, outre un ensemble très riche de critiques et d’analyses, une importante œuvre romanesque qui met en scène avec puissance et rigueur, comme dans son fameux roman Minuit , la société chinoise des années trente.

La longue route d’un fidèle compagnon

Shen Yanbing – dont Maodun est le premier et le plus connu des noms de plume – est né en juillet 1896 dans le nord du Zhejiang (Sud-Est de la Chine) au sein d’une famille de nobles lettrés peu fortunés. Son père, qu’il perdit à l’âge de dix ans, était un ancien membre du Parti des réformistes, féru de sciences et de culture moderne. Après des études secondaires à Hangzhou, Maodun part pour Beijing (Pékin), où il est reçu au concours préparatoire à l’université (1913); mais en 1916, les ressources de sa famille épuisées, il accepte un poste dans la plus grande maison d’édition de Shanghai, la Commercial Press, où il commence un travail de journaliste littéraire et de critique qui le fait rapidement connaître. Il participe activement au «Mouvement du 4 mai» 1919, qui, entre autres conquêtes, assure la victoire de la littérature de «langue moderne» (bai hua ) et fonde en novembre 1920 avec Zheng Zhenduo et Ye Shengtao, la Société de recherches littéraires (Wenxue yanjiu hui ), une école littéraire qui se donne pour mot d’ordre le réalisme de «l’art pour la vie», entendant s’opposer ainsi au mot d’ordre de «l’art pour l’art» des écrivains «romantiques» de Création , dirigés par Guo Moruo. Pour en faire la revue de la Société de recherches littéraires, Maodun relance et rénove profondément Le Mensuel du roman (Xiaoshuo yuebao ), qui va jouer un rôle extrêmement important dans la diffusion de la nouvelle littérature et des œuvres étrangères. C’est à cette époque qu’il est attiré par le marxisme et adhère au Parti communiste chinois (1921). Notons qu’à son retour du Japon, en 1930, Maodun ne reviendra pas officiellement au P.C.C. et restera désormais un «compagnon de route», cela jusqu’à la veille de sa mort. Sa rentrée officielle au P.C.C. en 1981 étonnera alors beaucoup de gens qui l’avaient toujours considéré comme un membre en titre. Entre cette adhésion et le coup d’État du Guomindang de 1927, le jeune Maodun, alors responsable au département de propagande du Guomindang (alors allié au P.C.C.), se consacre à des activités militantes et fréquente les milieux intellectuels et ouvriers révolutionnaires (dont il relatera l’expérience directe dans ses romans Minuit ou L’Arc-en-ciel ). Contraint de s’exiler au Japon, en 1927, il y passe trois ans à lutter contre la maladie et à écrire ses premiers romans, adoptant pour cela le nom de plume de «Maodun», c’est-à-dire «Contradiction», pour souligner le sens politique de son activité de romancier, comme son intention de rendre avec exactitude les contradictions réelles de la société (par la suite il ajoutera simplement aux deux caractères de l’expression «contradiction» la clé de «l’herbe» pour lui donner l’aspect d’un vrai nom de famille). Au printemps de 1930 il est de retour à Shanghai, où il rejoint aussitôt la Ligue des écrivains de gauche, que Luxun vient juste de fonder, réunissant sous son autorité les écrivains de Création comme ceux de la Société de recherches littéraires. Maodun est aux côtés de Luxun dans toutes les démarches que ce dernier entreprend dans le cadre de la Ligue des écrivains de gauche. C’est aussi à cette époque que Maodun écrit son très fameux roman Minuit (Ziye ), considéré comme le roman le plus important de la littérature chinoise moderne, et, à peu près dans le même temps, un certain nombre de nouvelles, tout aussi remarquables par la solidité de la construction et la finesse de l’analyse, dont la fameuse trilogie villageoise qui commence par Les Vers à soie du printemps . Pendant la guerre sino-japonaise il écrit encore d’autres romans, fait une longue tournée d’enseignement à Yan’an (à l’Institut «Luxun») puis à Chongqing, Hong Kong et Guilin. De la fin de l’année 1946 au printemps de 1947, Maodun est à Moscou, invité par l’Association des relations culturelles avec l’étranger.

Après 1949 et la fondation de la république populaire de Chine, Maodun occupe de très hautes fonctions, dont celle de président de l’Association des écrivains (1953), député à l’Assemblée nationale populaire, et, jusqu’à 1964, celle de premier ministre de la Culture. La révolution culturelle (1966-1976) lui laisse sa charge de député et de président de diverses associations. À la fin de la tourmente Maodun reprend un long roman laissé inachevé en 1949: L’Épreuve (Duanlian ), qui sera publié en 1981, la première partie de ses Souvenirs , un recueil de poèmes anciens et un recueil de critiques. Les dix tomes des Œuvres complètes , publiés en 1958, sont réédités.

Le roman au service de la révolution

Le propre de la création romanesque de celui qu’on a appelé «le peintre des années trente» est d’être quasi contemporaine des événements eux-mêmes. Étroitement liée à la recherche théorique de l’écrivain, elle révèle son souci d’analyser très minutieusement le réel et d’en dégager les traits essentiels qui en permettent la lecture politique, mais cela sans intervention directe du témoin qu’est l’écrivain. Il a pu ainsi dresser, de roman en roman, une large fresque de la société chinoise des villes et de la campagne, mettant en scène de nombreux personnages issus de toutes les couches sociales. Notons que parmi ceux-ci les plus riches et les plus vivants sont très souvent les personnages de femmes, dont l’écrivain se plaît à souligner la combativité, la volonté d’émancipation et une avance politique considérable sur la plupart de leurs camarades masculins encore empêtrés dans un chauvinisme mâle hérité de Confucius. L’œuvre romanesque de Maodun se compose essentiellement dans un premier temps de la trilogie L’Éclipse (Shi , 1928) – qui comprend Désillusion (Huanmie ), Hésitation (Dongyao ) et Quête (Zhuiqiu ) – représentation du monde tourmenté des intellectuels pris dans la montée de la contre-révolution, d’un ensemble de nouvelles consacrées aux efforts des femmes dans leur lutte pour l’émancipation: Les Roses sauvages (Qiangwei ), riches d’humour et de finesse; enfin, d’un roman inachevé: L’Arc-en-ciel (Hong , 1929), qui campe lui aussi un personnage de femme lancée à la conquête de soi-même puis engagée dans la révolution. Interrompu par la maladie et le désespoir, l’écrivain amorce dans ses romans suivants un retour à l’action avec La Route (Lu ) et Marche à trois (San ren xing ).

La seconde époque de l’activité littéraire de Maodun est celle des chefs-d’œuvre avec Minuit , la «trilogie villageoise» comprenant Les Vers à soie du printemps (Chuncan ), Récolte d’automne (Qiushou ), Cruel Hiver (Candong ); et d’autres nouvelles comme Devant le mont de piété (Dang puzi qian ) et La Boutique de la famille Lin (Linjia puzi ). La dernière époque de sa création romanesque est celle de Corruption (Fushi , 1941), une vaste composition sur la vie dans les cercles gouvernementaux à Chonqing pendant la guerre sino-japonaise. Maodun commence aussi L’Épreuve (Duanlian ) – qui ne sera publiée que juste avant sa mort – et un autre long roman, Les feuilles gelées sont plus rouges que les fleurs du deuxième mois (Shuang ye hong si er yue hua ) sur les antécédents du «Mouvement du 4 mai». Il écrit aussi une pièce de théâtre, Aux alentours de Qingming (Qingming qian hou ) et nombre d’autres nouvelles portant sur les événements immédiatement contemporains. La production romanesque cesse après 1949, mais, dans les dernières années de sa vie, Maodun revoit la partie inachevée de L’Épreuve et rédige ses Mémoires.

La quête d’un véritable «réalisme révolutionnaire»

La partie critique et surtout théorique de l’œuvre de Maodun est loin d’être négligeable. Engagé dès sa jeunesse dans des réflexions et des débats sur la fonction de la littérature et sur le réalisme, il ne cesse de retourner la question et de chercher des matériaux pour ses recherches, auxquelles il tente de donner une rigueur toute scientifique. Convaincu, tels Luxun et les autres écrivains chinois de sa génération, que la littérature est «l’avant-garde de la philosophie» et que la tâche de l’écrivain chinois révolutionnaire est de propager une nouvelle Anschauung qui libère l’énergie du peuple, il est attiré autour de 1920 par Nietzsche, le darwinisme social, l’anarchisme de Kropotkine et le syndicalisme américain, mais dès 1921 il se tourne vers le marxisme. Il se consacre ensuite à l’introduction en Chine du réalisme et du naturalisme (entre lesquels il ne fera jamais de distinction), non sans souligner qu’ils sont une simple étape dans le développement naturel de la littérature. Il pense alors qu’il faut corriger le pessimisme du réalisme et du naturalisme européens par le symbolisme, lequel doit servir de transition vers le «néoromantisme» des courants modernes, seul capable de montrer le droit chemin à la race humaine, et dont Romain Rolland et Henri Barbusse sont les représentants modèles. Attiré un temps par le futurisme de Maïakovski et l’expressionnisme, il adopte un point de vue plus critique à l’égard de ces mouvements après les événements de 1925 et la conversion de la société Création à la littérature révolutionnaire et prolétarienne, attitude dictée par le contexte historique et partagée alors par bon nombre de jeunes écrivains. De ce moment Maodun ne cessera de réfléchir au sens et à la mise en œuvre d’un «réalisme révolutionnaire» distinct du réalisme critique de la fin du XIXe siècle européen et dont il cherche un temps le modèle chez Gorki. Il est à noter qu’au cours de ces recherches, il ne s’alignera pas, même avant la rupture de la Chine avec l’Union soviétique, sur les positions du «réalisme socialiste», lui préférant toujours le réalisme tel qu’il le voit déjà dans la tradition chinoise et dont il analyse les liens étroits avec la tradition romantique dans les chansons populaires et dans les légendes de la mythologie chinoise. Inachevée comme beaucoup de ses romans, l’œuvre théorique de Maodun procède par retours et ne débouche pas sur des conclusions définitives, mais l’écrivain ne remettra jamais en cause son exigence première d’une littérature qui soit d’abord et avant tout au service de la société.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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